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 Solution technique - Décembre 2019

L’intelligence artificielle dans les bâtiments tertiaires


Allié aux équipements électriques et électronumériques, l’intelligence artificielle (IA) contribue dès à présent à répondre aux grands enjeux des bâtiments neufs et existants. À l’occasion de la sortie d’un manifeste rédigé par le Gimelec, voici un tour d’horizon des apports de l’IA dans le bâtiment.


 

Inventée dans les années 1950, la notion d’intelligence artificielle (IA) vit actuellement un rebond décisif lié́ à̀ la disponibilité de grands volumes de données, de l’usage de calculateurs toujours plus puissants, de réseaux de communication rapides et d’une interaction homme/machine à présent largement développée et simplifiée. Le bâtiment se prête à l’auto-apprentissage en générant les données qui alimentent des moteurs de systèmes experts, machine learning, voire de deep learning. Objectif : trouver de façon automatique une agilité optimale propre aux caractéristiques et à l’usage qui en est fait.

Trois piliers pour l’IA
À l’image du phénomène de combustion nécessitant un combustible, de l’air et une étincelle, l’intelligence artificielle doit, pour exister et avoir du sens, réunir plusieurs éléments. Outre l’usage de calculateurs puissants, trois conditions :
– l’algorithme. Il s’agit du moteur de l’IA associé à̀ la puissance de calcul, elle aussi capitale. Il peut être issu d’une expertise métier pointue ou d’origine généraliste. Nombre de ces algorithmes sont aujourd’hui répandus (systèmes experts, machine learning, deep learning…)
– les données. Elles constituent le carburant indispensable au processus (big data, data warehouse, data garage). Il n’est pas de résultat pertinent sans elles. Les données proviennent principalement de quatre sources.
• les données structurelles du bâtiment concerné (méta données mises à jour tout au long de la vie du bâtiment),
• les données opérationnelles temps réel issus des systèmes techniques,
• les données en provenance des usagers (leur état, position et leurs souhaits),
• les données qui inscrivent le bâtiment dans le contexte plus large d’un quartier, d’une ville (autres bâtiments du même type, état du réseau d’électricité, transports…) ;
– la compréhension des besoins. Ce point fondamental ne doit pas être négligé. Il est garant d’une démarche pertinente et efficace.

IA et flexibilité énergétique du bâtiment
Historiquement, le système électrique est exploité de manière à garantir l’équilibre entre l’offre et la demande, en adaptant les moyens de production à la demande en électricité. Or, le développement des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) et des capacités d’effacement redistribue les cartes. Les acteurs du système électrique doivent aujourd’hui développer des moyens : effacements, stockage, interconnexions, en fonction de la demande (qui correspond à la demande brute diminuée de la production fatale produite par les énergies renouvelables).
La flexibilité énergétique apparaît comme un instrument de sécurisation et de régulation du réseau. Elle favorise l’intégration des énergies renouvelables. Interviennent deux principaux mécanismes :
– l’effacement (modulation à la baisse). Il consiste à diminuer temporairement sur sollicitation ponctuelle, la puissance appelée sur le réseau par rapport à̀ la normale. Les actions possibles sont le décalage de consommation, la modulation de puissance appelée par certains usages (chauffage, eau chaude sanitaire…) ;
– l’anticipation de certains usages ou la mobilisation de stockage. Cela permet de rehausser temporairement la puissance appelée sur le réseau (modulation à la hausse).
L’IA apparaît comme l’un des moteurs de cette flexibilité. La capacité de synthèse des données du bâtiment (passées et présentes) permet d’anticiper son comportement énergétique et les besoins de ses occupants au regard des multiples facteurs internes et externes. La flexibilité laisse entrevoir d’importants gisements à̀ exploiter dans les années à̀ venir.

 


ST em112 ptIntelligence artificielle : agissons ensemble pour des bâtiments performants
Le comité Smart Up Bâtiment du Gimelec vient d’éditer un manifeste de 48 pages. L’objectif est de proposer à̀ l’ensemble des acteurs de la filière du bâtiment (construction, études, intégration, installation, exploitation, maintenance) et à ses utilisateurs d’agir collectivement afin que le bâtiment devienne un contributeur actif aux transformations à̀ la fois socio-économiques et écologiques en cours. Ce document est téléchargeable librement sur le site www.gimelec.fr.
Voir aussi l’article Parole au Gimelec, page 14 de ce numéro.


 

Électronumérique et IA
Depuis les années 1990, on équipe les bâtiments de capteurs et d’automatismes conçus et mis en œuvre pour piloter les équipements techniques et automatiser certains réflexes (régulant la climatisation, la lumière, le chauffage…) en fonction de consignes données. Ces solutions sont en quelque sorte le système nerveux du smart building et procurent aux occupants un bâtiment plus confortable et plus performant, notamment du point de vue énergétique.
Aujourd’hui, ces capteurs constituent une source d’information précieuse à̀ partir de laquelle l’IA peut se déployer pour assister, conseiller, prédire. Au travers de ses algorithmes, elle s’approprie les ambitions et contraintes du smart building et orchestre ainsi, pour le compte de son commanditaire, une multitude de nouveaux services personnalisés.
Alimenté́ en continu par une infinité de données interactives, le smart building combine aujourd’hui automatismes et IA pour fournir des solutions sur mesure en matière de performance et de flexibilité énergétique, d’évolutivité des usages et de nouveaux services du quotidien.

Quelques exemples d’application de l’IA dans le bâtiment
Renforcer le confort et la productivité au travail. Dans des bureaux, les solutions d’IA viennent renforcer la productivité des salariés et accroître leur bien-être : optimisation du confort de travail (température, éclairages optimisés, qualité de l’air), accès à l’espace de travail le mieux adapté aux besoins de l’instant (bureau, espace de coworking, salle de réunion), tout en respectant des objectifs globaux de rentabilité rapportés au mètre carré, information et préconisations individualisées en fonction des habitudes de chacun (horaires d’arrivée et de départ, disponibilité de recharge d’un véhicule électrique, informations sur les moyens de transport accessibles, préférences de confort thermique…).

Suivre l’état des transformateurs. Fondés sur l’IA, des modèles thermiques de suivi des transformateurs de puissance sont capables de faire la relation entre de multiples paramètres (température interne, température extérieure, humidité relative, courant, tension ). Ces modèles calculent en temps réel la température théorique et la comparent à̀ la température réelle. Une dérive met alors en exergue un problème potentiel. Ce jumeau numérique simplifié contribue à̀ la maintenance prédictive. Une stratégie qui peut aussi s’appliquer aux équipements type HVAC. (Schneider Electric).

Gérer l’énergie des bâtiments existants. Le projet européen de plateforme open source Hit2Gap est à̀ l’origine de la solution BEM Server permettant de comprendre pourquoi un bâtiment existant présente une consommation différente de sa consommation théorique. Cette solution est connectée au bâtiment afin d’homogénéiser et de contextualiser les données issues de différentes sources. Un réé́chantillonnage facilite l’accès à ces données pour générer des services. (Nobatek/Inef4)

Prédire le comportement des bâtiments. En lien avec ses partenaires, Hager développe actuellement une solution visant à̀ prédire le comportement des bâtiments sur la base d’une technologie de machine learning. L’intégration de l’ensemble des données (structurelles, d’usage, prédiction météo…) influence le mode de conduite. Prenant en compte les équipements de l’installation électrique et HVAC, cet outil est conçu pour assurer le confort des occupants en réduisant la consommation d’énergie. Les démonstrations de faisabilité sont en cours. La solution devrait voir le jour d’ici à̀ deux ans.

Michel Laurent

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