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 Dossier - Janvier-Février 2014

Smart Grid : le bâtiment en première ligne


edito Dominique BeckEdito

"La normalisation au service du Smart Grid"

Le Comité de normalisation TC 205 œuvre actuellement dans le but d’assurer la connexion et le dialogue entre les modes de contrôle et de pilotage amont coté réseau électrique et les systèmes avals en place dans les bâtiments. Pour cela, nous avons reçu mandat de la Commission Européenne, avec d’autres comités au sein du Cenelec, pour contribuer à deux thèmes distincts : smart metering (M441) et smart grid (M490).
En matière de smart grid, concernant l’approche en aval des réseaux électriques, il est un fait que depuis une vingtaine d’années, l’ensemble des systèmes de bâtiment intelligent intègre la notion de gestion de l’énergie, tout comme le pilotage des équipements terminaux. En d’autres termes, la fonctionnalité qui répond à la problématique actuelle du smart grid est quasiment partout présente dans les installations de pilotage en place et largement disponible sur le marché.
Outre ce constat, nous veillons au travers de nos travaux à l’ouverture vers tous les systèmes de pilotage du bâtiment, afin de favoriser la libre concurrence. Cette stratégie a essentiellement poussé le Comité à normaliser une modélisation unique des données, afin de permettre à tout prestataire de services placé en amont, de pouvoir transmettre les données sous un même format. A ce stade, l’enjeu n’est autre que de conduire les travaux avec neutralité vis à vis des différents systèmes domotique et de proposer une interface unique aux fournisseurs d’électricité. C’est un gage pour le consommateur final quant au choix de l’opérateur et du système de pilotage local.
Au niveau européen, le Comité délivre un cadre normatif ensuite repris par les comités nationaux, tels la commission UC 205 pour la France. Le texte est alors applicable, mais sans pour autant revêtir un caractère obligatoire. Et l’on voit bien que l’application du mode d’interfaçage et de communication entre l’installation privée et le réseau de distribution électrique restera différente selon les choix effectués par chaque pays de l’Union Européenne. Si la France a fait le choix du compteur électrique intelligent Linky, l’Allemagne se dirige quant à elle vers la mise en place d’une passerelle de communication indépendante du compteur électrique.
Outre l’avancement de la normalisation, notamment au travers des travaux de l’EN 50491-11 (échange de données avec les afficheurs) et de l’EN 50491-12 (échange avec les gestionnaires d’énergie smart grid), il existe en France de nombreuses expérimentations en cours auxquelles participent opérateurs, offreurs de services et fabricants. J’estime aujourd’hui que les retours d’expériences sur les travaux expérimentaux pourront porter leurs fruits d’ici 3 à 5 ans, le temps de converger vers des concepts et de lever des incertitudes, pour arriver à une mise en place opérationnelle du smart grid en Europe d’ici 10 ans.

 

Dominique Beck,
président au niveau français (Afnor-Système Français de Normalisation-UTE) de l’UC 205,
commission “Systèmes électroniques pour l’habitat et les bâtiments“,
président au niveau européen (Cenelec) du TC 205, regroupant l’UC 205
et l’ensemble de ses homologues nationaux.

 


Smart Grid : le bâtiment en première ligne


À l’heure de la RT 2012 et de l’efficacité énergétique, le marché des luminaires d’éclairage d’accentuation se porte plutôt bien. En effet, grâce à la LED et à ses performances sans cesse améliorées, les appareils destinés à la mise en valeur de produits, de tableaux ou d’éléments architecturaux retrouvent toutes leurs lettres de noblesse.Voici un sujet de longue haleine autour duquel beaucoup d’intérêts gravitent. L’année 2014 voit arriver des offres de solutions, des positionnements stratégiques et ouvre la voie à des visions concrètes. Cependant, malgré le jeu des annonces marketing et des nombreuses expérimentations en cours, le véritable déploiement du smart grid n’interviendra vraisemblablement pas avant 2020. Cela laisse un peu de temps à chacun pour se préparer à une forte évolution de la filière, depuis le distributeur d’énergie jusqu’à l’installateur. Aperçu…

 

em65 doss-1Le réseau électrique intelligent, plus communément appelé “smart grid“ se trouve actuellement au cœur d’importants développements : producteurs d’énergies, distributeur d’électricité, opérateurs de télécommunications et les fabricants d’équipements électriques sont sur le pont ! Car le chantier est de taille. Un challenge énergétique à relever… et aussi un enjeu en matière d’échange d’information. Le tout dans un contexte européen, mais avec des spécificités et des choix stratégiques nationaux. Car les raisons de la mise en place d’un réseau électrique intelligent varient selon les pays. Les avantages attendus sont principalement :
• Réaliser des économies d’énergie (en moins de 10 ans, la consommation globale d’électricité s’est accrue de plus de 10 %) ;
• Eviter une coupure totale de l’alimentation électrique (ou limiter ces coupures). Car les pointes de consommation sont aujourd’hui à la fois plus violentes et soudaines ;
• Permettre de moderniser un réseau ancien ;
• Réguler la tendance à une production décentralisée de l’énergie (photovoltaïque, éolien…) dans un contexte aléatoire et d’injection en basse tension. Gérer les stockages répartis ;
• Intégrer et soutenir de nouvelles charges telles que le véhicule électrique.

 

Un déploiement encore très limité
Depuis quelques années, la transition vers le réseau électrique intelligent est amorcée. Mais son déploiement n’est que très limité. Encore aujourd’hui, l’essentiel des investissements est destiné à des démonstrateurs, ainsi qu’à des études en recherche et développement. D’ailleurs, à l’échelle française, il semble qu’il n’existe pas vraiment de liens entre toutes ces expérimentations en cours (100 à 120 selon les sources), malgré des tentatives de recensement.

 

L’indispensable bâtiment “smart grid ready“
Le smart grid ne peut être réellement efficient sans un bâtiment à la hauteur, capable d’échanger des informations et de piloter des charges en cohérence avec le niveau d’implication de l’exploitant. Or actuellement, seule la gestion technique est dans la plupart des cas assurée à travers une GTB. Il faut alors y adjoindre une dimension énergétique et une plate-forme logicielle de pilotage.
Pour l’heure, les projets ne se font que sur un marché d’opportunité où aucune solution ou presque n’est interopérable, rien n’est mutualisé et les solutions sont quasiment réinventées et développées à chaque demande. Le maître d’ouvrage se tourne soit vers un fournisseur d’automatisme du bâtiment (et demande une solution globale), soit vers un prestataire de service, soit vers un fournisseur d’énergie… et personne ne propose d’offre complète.




3 questions… au cabinet de conseil Solucom

Avec Clément Leroy, manager au sein de l’équipe énergie

• Ou se place exactement le débat du smart grid ? « Cela fait longtemps que les réseaux sont intelligents. Il convient plutôt de parler des usages et de la valeur ajoutée permettant d’aller vers la smart énergie ! On assiste aujourd’hui à l’émergence de grandes nouveautés avec un fort potentiel technologique à disposition des usagers. »
• Quels sont les acteurs ? « Se développe actuellement un nouveau type d’écosystème avec différents types d’intervenants. Il y a bien sur les énergéticiens, qu’ils soient fournisseurs, distributeurs ou agrégateurs. Sont également impliqués les industriels de la filière électrique, impliqués dans la gestion de l’énergie et les usages, incluant aussi les produits bruns et les produits blancs. Interviennent par ailleurs les opérateurs de télécommunications, via Internet, notamment au niveau de la chaîne de comptage et des informations tarifaires. Enfin, il faut compter avec les grossistes et les installateurs, car le déploiement du smart grid ne pourra se réaliser à grande échelle qu’avec leur implication. D’où la perspective d’une importante conduite du changement au regard des évolutions du métier de l’électricien ! »
• Où en est-on aujourd’hui ? « Je dirais que chacun affûte ses armes dans l’attente de différents signaux. Le marché attend la généralisation du déploiement des compteurs intelligents et communicants. L’attente concerne aussi les normes et réglementations, la réglementation thermique, les certificats d’économie d’énergie. Enfin, il existe aussi une attente forte quant aux signaux économiques. Car le smart grid va représenter un investissement à l’échelle de chaque particulier… qui devra jouer la carte des économies d’énergie pour ne pas subir de hausses tarifaires… »


 


Un marché à structurer
Le marché est en devenir et doit gagner en maturité. Il faut pour cela définir la base des solutions et assurer un minimum de comptabilité, voire d’interopérabilité. Cela demande d’établir a minima le dialogue entre 3 pôles techniques de fournisseurs, relatifs à des métiers différents :
• Automatismes du bâtiment et du contrôle ;
• Technologies de l’information et des logiciels ;
• Energie et infrastructures.
A cela, il serait utile d’adjoindre les utilisateurs de ces solutions selon 3 profils :
• Les clients de l’offre : maître d’ouvrage, collectivités et foncières ;
• Les intégrateurs de solutions techniques capables de répondre à la demande ;
• Les opérateurs de service autour de la maintenance et de l’énergie du bâtiment.

SCHNEIDER ELECTRIC : nouvelle solution pour l’habitat et le petit tertiaire
Schneider Electric déploie ses savoir-faire en partenariat avec les gestionnaires de réseaux et les grands acteurs du marché. Le fabricant expérimente actuellement près de 30 projets smart grid avec ses partenaires.
Florent Germain, responsable du business development des utilités en France : « Le smart grid répond à la nécessité globale de trouver un nouveau mode de fonctionnement pour améliorer la qualité de fourniture d’électricité, éviter certains coûts de renforcement des réseaux existants ou encore viser un objectif d’autonomie locale. »
em65 doss-2Schneider Electric vient de lancer Wiser. Dédiée à l’habitat et au petit tertiaire, cette interface fonctionne avec ou sans compteur communicant (Linky). Pour l’heure focalisée sur l’énergie électrique seule, la solution devrait à terme s’élargir aux autres énergies. Tout juste lancé sur le marché, Wiser mesure les consommations et agit au travers de scénarii. Il s’agit pour l’heure d’une solution propriétaire, mais semble-t-il vouée à l’ouverture… « Le standard IEC 61850, permettra de rendre interopérables les systèmes issus des différents fournisseurs. »
A destination des applications tertiaires, Prosumer s’adapte sur un système ouvert ou non, en complément d’une installation de GTB en place. Actuellement en phase d’expérimentation, l’offre Prosumer devrait voir le jour vers la mi-2014.
L’ordre d’effacement sera envoyé par RTE ou par un gestionnaire de réseaux (entreprise locale) de distribution. « C’est le gestionnaire de réseau qui proposera les équipements à placer chez l’exploitant / l’utilisateur, en lien avec une plate-forme d’effacement. » La plate-forme diffusera l’information via le réseau de télécommunication. Cette information consiste en un niveau d’effacement à prendre en compte par l’interface locale. « Tout cela est actuellement en phase de démarrage », souligne Florent Germain.


SIEMENS : un nouvel hyperviseur en 2014
« Notre concept pour le tertiaire consiste, en amont compteur de gérer une liste de gros consommateurs ayant par exemple la possibilité de s’agir sur leur production de froid, explique Pascal Iaquinta, responsable de la direction Solutions & Services Porfolio (SSP) chez Siemens BT. En aval compteur, l’interface de communication n’est autre que la GTB. Elle reçoit alors les informations de délestage afin d’agir sur la réduction des consommations. Cette stratégie permet de réduire de 10 à 20 % la consommation globale de ces bâtiments. Nous proposons également dans ce contexte des contrats de performance énergétique. »
Au second semestre 2014, Siemens lancera officiellement son nouvel hyperviseur Desigo CC, conçu pour une gestion à la hauteur du smart grid. Cet outil intégrera des briques technologiques à même de faire le lien entre le bâtiment et le fournisseur d’énergie.
Cependant, en France le lien entre l’amont compteur, au niveau du système de gestion d’énergie (DEMS – Decentralized Energy Management System) et aval compteur, n’est pas encore normalisé…
Dans le résidentiel, il faudra vraisemblablement compter avec l’arrivée de nouveaux types de contrats. L’intelligence sera résidente dans un boîtier fourni ou non par le distributeur d’électricité. Et pour notre part, la gestion des charges passera par une solution Synco Living dans une version “smart grid“.
Patrick Heinrich, responsable marché expert Total Building Solutions chez Siemens BT : « Nous disposons pour notre part de sites démonstrateurs à l’échelle réelle, hors de France, mettant en oeuvre des applications très concrètes. Les pays nordiques, comme la Norvège ou le Danemark, comptent parmi les plus avancés sur le sujet en Europe. »

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HAGER : des références en habitat collectif
em65 doss-5« A partir du moment où un immeuble est connecté au réseau, il devient “smart grid ready“, souligne Jean-Jacques Pauly, directeur développement bâtiments intelligents.
Nous avons effectué des démonstrations dès février 2012 avec un immeuble de logements à Aubervilliers. De la même façon, nous avons un projet de référence “smart grid ready“ composé de 30 logements Bepos [n.d.l.r. : à énergie positive] avec le bailleur Nantes Habitat. Là aussi il existe des possibilités de délestage du chauffage électrique. Reste à attendre les stratégies d’effacement des fournisseurs d’énergie et les offres de tarifs à venir. Mais n’oublions pas que le basculement tarifaire jour/nuit est déjà à lui seul une forme d’intelligence du réseau depuis longtemps pratiquée ! »
Pour Hager, la notion de réseau intelligent va de pair avec le stockage de l’énergie : « Tous les grands industriels sont impliqués dans cette voie au travers de projets collaboratifs. De nombreux métiers sont partie prenante. A terme, le but n’est autre que l’autoconsommation. »
Hager préconise le pilotage des usages avec des composants domotiques classiques (composants KNX) et un serveur en pied d’immeuble pour assurer une ouverture au réseau.

 


Smart Building Alliance

L’association SBA (Smart Buildings Alliance for Smart Cities) a pour but d’organiser la promotion de la filière des Smart Buildings au sein des Smart Cities en associant un groupement de professionnels de l’offre.
SBA se présente comme un guichet unique de solutions de Smart Building et Eco quartier.
Elle organise la convergence des trois pôles (Building Automation, Énergie / Infrastructure et IT). Elle est orientée solutions, elle établit des partenariats et assure la promotion de la totalité de la filière auprès des partenaires privés et publics
La SBA définit une interopérabilité de la chaîne de valeur complète orientée services et solutions et tends vers un label aval compteur (Bâtiment Smart Grid Ready) et un label amont compteur (City as a Service).
Parmi les adhérents : ABB, Alsthom, Orange, Siemens, Spie, CSTB, EDF, Elithis, Enocean, Newron system, Philips, …



TOSHIBA France : pilote smart grid à l’échelle européenne
Chez Toshiba, c’est le module Pluzzy, développé par Ijenko pour la firme nippone, qui assure dans l’habitat le lien entre compteur électronique, tableau électrique et unité centrale afin de collecter les mesures d’énergie et couper des charges à distance. Lancée en septembre dernier, cette offre sous Zigbee fait l’objet de discussions avec la distribution professionnelle du secteur électrique. « Cette application réside dans le cloud et sans abonnement, d’où la possibilité pour l’utilisateur d’agir de l’extérieur via un smartphone ou un navigateur sur Internet, ajoute Miguel Limones, responsable marketing smart home, division smart community chez Toshiba. En matière de smart grid, La France fait office de pays pilote à l’échelle européenne. »
Toshiba travaille actuellement à la mesure et au pilotage de l’énergie, au service du petit et moyen tertiaire, avec l’aide d’une start-up spécialisée sur ce thème. « Les développements sont en cours d’intégration dans notre offre, avec des solutions mono ou multi-site. A suivre courant 2014… »
Toshiba est par ailleurs partenaire du projet pilote Lyon Confluence dans le cadre d’un quartier à énergie positive.

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LEGRAND : l’importance de l’interface utilisateur
« Chez Legrand, nous avons une vision conceptuelle du smart grid, de bas en haut, explique Jérôme Boissou, chargé de mission. Car sans bâtiment intelligent, le réseau ne peut rien ! D’où notre implication dans le bâtiment “smart grid ready“. Dans un premier temps nous nous concentrons sur un bâtiment porteur de performance énergétique locale. Dans un second temps nous nous investirons dans la mise en phase avec les demandes des fournisseurs d’énergie. Le tout avec une solution apte à la communication bidirectionnelle.  »
Le travail sur la performance énergétique locale a vite pris l’angle de la mesure : « Nous nous sommes rapidement aperçus du manque de connaissance des consommations réelles, d’où notre investissement sous cet angle dès 2011, sur la base d’accessoires en tableau ou de mesure embarquée dans les disjoncteurs à partir de 63 A. » Legrand a par ailleurs lancé aux Pays-Bas en septembre 2013 une solution de mesure directement intégrée à la prise de courant. Le projet est en test pour le marché français.
« Dans le cadre de l’expérimentation Smart Electric Lyon, nous travaillons sur l’interface utilisateur, afin qu’il puisse faire les bons choix relatifs aux possibilités de pilotage des charges. Tous les aspects sont pris en compte : confort, approche financière, approche sociologique… Sur ce projet Legrand est fournisseur de l’infrastructure de communication en aval du DTI et de distribution électrique en aval compteur. »
Pour Legrand, la présence de deux types d’interfaces utilisateurs reste indispensable : une interface mobile (smartphone), doublée d’une interface fixe (portier, thermostat, écran tactile ou interrupteur 4 boutons…). Le tout dopé d’une intelligence qui permettra de choisir les meilleurs scenarios.
Au service de la gestion active des bâtiments tertiaires, Legrand propose le logiciel de supervision Building Manager, capable de centraliser les informations issues du bâtiment et de recevoir les impératifs du fournisseur d’énergie. « Le superviseur élabore alors le meilleur scénario d’efficacité énergétique éventuellement dans la perspective d’un effacement… avec des possibilités de dérogation coté utilisateur. » Building Manager existe en version Visualisateur, pour une mise en œuvre par un électricien sur la base de quelques scénario simples, et en version Décideur ouverte à un duo électricien / système intégrateur, pour des possibilités de gestion beaucoup plus larges.

 

Michel Laurent

 

Entreprises mentionnées

SCHNEIDER ELECTRIC
LEGRAND
HAGER
TOSHIBA
SOLUCOM
SIEMENS
SMART BUILDIND ALLIANCE
ABB
ALSTHOM
ORANGE
SPIE
CSTB
EDF
ELITHIS
ENOCEAN
NEWRON SYSTEM
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