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Dossier - Novembre 2007

Automatismes pour les électriciens : Tout ou presque reste à faire !


Dix ans après la sortie du premier module logique, les installateurs semblent à peine s’intéresser aux possibilités offertes par cette technologie. Incompréhension des électriciens ? Manque d’intérêt des distributeurs ? Offres trop “industrielles” ? Les torts semblent partagés.

 

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Contrôleur logique contre relais :
le choix de l’électricien reste encore trop souvent en faveur d’une mise en oeuvre traditionnelle !

 

Cela fait dix ans maintenant que le marché de l’équipement électrique s’est enrichi d’une offre d’un nouveau genre : les modules logiques. Généralement taillés au format modulaire pour se fixer sur un rail DIN, ces petits boîtiers remplacent les traditionnels relais utilisés par les électriciens et les automaticiens. Or, il faut bien se rendre à l’évidence, tout ou presque reste à faire pour la plus grande majorité des électriciens qui hésitent à passer de la logique câblée à la logique programmée. Et si les premières années du contrôleur logique se sont traduites par une importante croissance, le marché s’est ensuite calmé, sans avoir atteint un réel déploiement de masse.
Pourtant, le contrôleur logique ne manque pas d’avantages. Il est plus compact qu’une série de relais et, en cas de modification de la fonction automatisée, le module logique est plus simple à manipuler qu’une installation câblée. Il en va de même si l’on doit ajouter une cellule ou tout autre capteur. En outre, il convient à des applications très diverses : industrie, infrastructures, petites machines, bâtiment tertiaire ou résidentiel. La performance énergétique du bâtiment, la domotique et les téléservices sont sans nul doute des créneaux porteurs.


Un seuil d’utilisation à partir de 4 relais
Micro-contrôleur, module logique, contrôleur logique, nano-automate... Toutes ces dénominations mènent à un seul produit, paramétrable, doté d’un afficheur et offrant la possibilité au professionnel non-automaticien de remplacer plusieurs relais électromécaniques...
Ainsi, à partir d’une installation de 4 relais, le contrôleur logique peut bousculer les habitudes des électriciens. Mais en vain... Le succès n’est pas au rendez-vous sur ce marché. Il faut dire que certains fabricants attendent la demande de la même manière que pour les relais... Alors que ces mêmes acteurs prospectent activement pour vendre des automates. La différence ? La marge dégagée par un contrôleur est loin d’être identique à celle d’un automate. Voici donc un premier frein côté vente (voir encadré).
Autre constat : chez les fabricants, la plupart des “marketeurs” et responsables des ventes en charge des contrôleurs logiques dépendent d’une division orientée “industrie”. Certains connaissent peu le monde diffus des électriciens et de la distribution... L’histoire semble donc mal engagée pour les électriciens qui demanderaient à être un peu bousculés dans leurs habitudes.

 


Le prix : à la fois un atout et un frein
Le prix du contrôleur logique serait-il à la fois un atout et un frein ? La plupart des offreurs proposent le module logique de base aux environs de 100 euros. Un prix attrayant pour l’installateur, équivalent au coût de quelques relais ou d’un programmateur de chauffage ! En revanche, vu de l’autre coté du comptoir, ce prix n’a rien d’attrayant pour le distributeur, car sa marge sera identique voire plus faible que pour une vente équivalente traditionnelle... Avec en plus, le risque de devoir passer du temps à expliquer le fonctionnement et le paramétrage du module. Pas motivant...


 


Formation : la clé de la réussite
Historiquement, Crouzet consacre une part importante de ses efforts auprès de l’Education Nationale afin de former les futurs électriciens à la programmation intuitive... Schneider, qui croit beaucoup à ce type de produits, a édité un CD-Rom dédié dont le but est de guider l’installateur pas à pas. Un autre CD-Rom offre des outils de simulation, des exemples de programmation, ainsi que le logiciel. Enfin, Schneider propose des kits de démarrage comprenant CD, câbles, contrôleur... pour une centaine d’euros.
ABB propose de son côté une formation d’une demi-journée à son module logique. Mais les formateurs constatent que l’utilisation d’un PC pour les besoins d’archivage et de confort est rédhibitoire pour l’installateur, or l’apprentissage pour des applications simples reste relativement facile.
« Offrir une journée de formation à un client est envisageable dans la mesure où celui-ci achète au minimum 10 à 15 contrôleurs par an, assure Eric Galland, directeur d’IMO Jeambrun Automation. C’est le cas des tableautiers et des constructeurs de machines. En revanche, l’installateur électricien est plutôt dans une démarche au coup par coup... »
Depuis un an, Siemens propose dans son centre de formation national de Saint-Denis (93), un cours de prise en mains des automatismes. En 2 jours, l’installateur ou l’industriel découvre le « Logo! » sous toutes ses coutures et repart avec un kit. De plus, depuis 5 ans, Siemens met gratuitement à disposition sur Internet une série de 26 sets correspondant à autant de problématiques habituellement rencontrées dans l’industrie et le bâtiment et auxquelles répond le contrôleur.

 

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Le contrôleur logique trouve sa place dans l’armoire électrique
ou de commande pour gérer des actionneurs simples
sur la base d’informations délivrées par quelques capteurs.


Distribution : un passage obligé
En complément des ventes directes aux constructeurs de machines, la distribution reste un passage obligé vers les électriciens. Pour Siemens, le « Logo! » transite par les comptoirs pour 9 ventes sur 10. Le micro-automate « S7-200 » n’est distribué en revanche qu’à 50 % par les grossistes. Chez Moeller Electric, le module « Easy » est écoulé aux 2/3 via les distributeurs. Mais les distributeurs sont-ils bien formés à cette technologie ? « Pas toujours, remarque un fabricant. Mais ils deviennent de plus en plus sensibles aux modules logiques. »
« Les distributeurs prêtent peu attention à ces produits sur lesquels ils ne réalisent qu’une faible marge, explique-t-on chez Omron. Cette marge est en revanche bien plus élevée lorsqu’il s’agit d’automates ou de micro-automates ! »
Chez Mitsubishi Electric, la totalité des ventes passe par la distribution, capable de supporter l’offre des micro-contrôleurs « Alpha ». Et le fabricant de constater que les distributeurs spécialisés en automatismes ont, par nature, tendance à vendre plutôt des automates que des micro-contrôleurs.
« Difficile de passer du temps avec l’installateur pour le former lorsque l’on vend un module à 100 ou 150 €, confirme-t-on dans une agence du Comptoir Lyonnais. Effectivement, nous gagnons autant à vendre des relais ! Nous sommes encore loin de la vente de modules sous blister ! »
Crouzet a été parmi les premiers fabricants à croire au module logique. A la fin des années 90, une première offre (un produit Mitsubishi labellisé par Crouzet et rebaptisé “Millénium”) a permis d’explorer le marché   industriel   des   fabricants   de   machines.   En   2002,
« Millénium 2 » voit le jour sur la base d’un développement interne. Depuis 2006, « Millénium 3 » est entré au catalogue.


Des passerelles entre le contrôleur logique et le micro automate
Un pas ou un fossé sépare-t-il le contrôleur logique de l’automate ? A en croire Siemens, un pas seulement sépare le « Logo! » de l’automate « S7-200 ». En effet, bien que cela nécessite 2 logiciels différents, le « Logo! » et le « S7-200 » utilisent tous deux le langage contact ce qui facilite la prise en main d’équipements plus performants en cas de besoin. Chez ABB on remarque la même chose d’autant que les prix entre modules logiques et automates entrée de gamme se rejoignent.
Aussi, le professionnel qui a quelques connaissances en automatisme, n’hésite pas et bascule souvent dans le monde des automates afin de profiter de possibilités supplémentaires.
Mitsubishi, pionnier du micro-contrôleur, confirme également la même tendance : « Nous souhaitons que nos logiciels pour automates soient, à terme, compatibles avec le contrôleur « Alpha », de façon à ce qu’un développement soit “ré-exploitable” dans les deux sens, avance Dominique Pinigry, directeur automatisation et machines à coudre industrielles chez Mitsubishi. Ce qui obligera ainsi à démystifier l’API et permettra aux professionnels de franchir le pas vers l’automate. »
Mais nous n’y sommes pas encore et ces constats ne font pas la règle car il existe toujours des différences prononcées en termes de prix. Autre différence marquante chez la plupart des offreurs : le logiciel marque la frontière, car l’un paramètre... tandis que l’autre programme. Mais les deux mondes tendent toutefois à se rapprocher. Pour preuve, la prochaine génération du « Logo! » sera capable de décentraliser certaines de ses fonctions.
En 2005, en faisant abstraction des marques, près de 43 000 modules logiques ont été vendus sur le marché français, contre 36 000 micro automates. « Nous enregistrons actuellement une croissance de 13 % des micro-automates tel le « S7-200 » et des modules « logiques Logo! » Cette croissance est même de 16 % pour les modules logiques seuls », précise Jean-Marie Rouault chez Siemens.

 

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Le développement du contrôleur logique auprès des électriciens
passent par la formation ou l’auto-formation. Schneider, comme d’autres fabricants
propose à cet effet des kits de découverte pour guider pas à pas
un novice de la logique paramétrée, voire programmée.

 


Des modules… spécialisés pour le bâtiment
Certains acteurs soulignent que le contrôleur logique ne prend pas ses marques dans le bâtiment face aux temporisations, programmateurs et autres petits automatismes spécialisés. « L’électricien préfère encore déplacer des picots pour définir la fonction recherchée... » Si le module logique n’a pas eu le succès escompté auprès des électriciens, une solution consiste peut-être à simplifier encore l’approche avec des modules dédiés, spécialisés par métiers. « C’est effectivement une tendance qu’ont les modules logiques à adopter une approche “métiers”, sur la base de fonctions embarquées », précise Sylvain Cuenot chez ABB. En 2008, Moeller Electric devrait lancer sur le marché français du résidentiel « Une offre Xcomfort, qui sera l’entrée de gamme des modules logiques Easy », indique Yves Paré, chef de produits électrotechnique et électronique de puissance. Cette offre sera peut-être une piste intéressante car les premières annonces commerciales indiquent qu’il est possible de « programmer les fonctions de contrôle avec un tournevis ».


 


Des freins au développement
Si le paramétrage, voire la programmation simplifiée (langage contact), est un atout certain par rapport à l’utilisation d’automates programmables industriels (API), il est cependant nécessaire d’effectuer des manipulations à l’aide des touches du clavier en face avant ou d’un logiciel sur PC... Cela reste bien différent du câblage de relais. Entre tournevis et PC, le choix est vite fait pour la majorité des installateurs. « Dans le cas des applications résidentielles, les électriciens savent bien adapter un paramétrage existant ou une fonction... En revanche, l’approche est plus délicate lorsqu’ils doivent paramétrer en totalité le projet,» souligne Alexandre Flory, gérant d’offre automates compacts chez Schneider Electric.
« Nous n’avons pas le temps, le paramétrage reste trop complexe pour ce que l’on veut faire », clament certains électriciens. Pourtant, le clavier et l’écran à disposition permettent de réaliser une grande part des opérations directement sur le chantier.
« Il existe encore des électriciens qui ne sont pas capables de brancher un relais temporisé, commente le responsable d’une agence RAM de Sonepar Sud Est (SSE). Cela n’explique pas tout, mais les fabricants de contrôleurs logiques ont de vraies difficultés à trouver le marché ! Ca ne décolle pas. L’offre fait encore peur. »
« En France, les artisans et les électriciens ont tardé à s’équiper de PC, pourtant utiles pour le paramétrage », souligne Jean-Marie Rouault  chez  Siemens.  Pourtant,  en  1996,  Siemens  lançait  le « Logo! », contrôleur logique se paramétrant directement au clavier. Ce n’est que 2 ans plus tard, que l’utilisateur a pu redessiner son schéma électrique sur PC, en langage contact, à l’aide de fonctions de base en bibliothèque. Chez Moeller Electric, le module « Easy » laisse également le choix entre PC ou clavier intégré.
Un des atouts du module logique est son afficheur intégré qui tend à devenir un véritable écran. IMO Jeambrun Automation prépare d’ailleurs un écran tactile pour sa prochaine génération de contrôleurs logiques. La 7eme  génération du « Logo! » sera quant à elle dotée d’un afficheur plus grand. Enfin, Rockwell Automation offre même la possibilité à l’installateur d’afficher sur l’écran le nom de l’entreprise et son numéro de téléphone !

 

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Le module logique fait l’objet de gammes relativement complètes.
En partant d’un module de base, l’électricien peut y ajouter
des entrées / sorties supplémentaires et bien d’autres fonctions.
C’est l’effet “boîte à outils”.


Des gammes étendues de contrôleurs
Capable de la plus grande simplicité (quelques entrées / sorties, sans afficheur), comme de répondre à des projets assez étendus (plusieurs centaines d’entrées / sorties), le contrôleur logique va jusqu’à tangenter le monde des automates... Mais généralement sans tomber dans la complexité du langage automate classique. C’est ainsi que le contrôleur logique fait l’objet de gammes étendues. Il ne s’agit jamais d’une référence seule. Plusieurs modèles au minimum et jusqu’à 20 ou 30 références sont proposées en standard par chaque fabricant, sans parler des possibilités de sur-mesure pour les fabricants de machines. Cette tendance se vérifie aussi chez les concurrents notamment pour la connexion Ethernet ou Modbus. Paramétrable et non programmable, le relais intelligent « Zelio Logic » de Schneider Electric devient de plus en plus communicant, notamment sur Ethernet. Chez Siemens, « le Logo! » communique dans le cadre du bâtiment sous KNX/EIB et sous Lon. « Easy » de Moeller Electric dispose d’une liaison série pour communiquer avec un modem.

 

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Dix ans déjà ! En 1996, « le Logo! » de Siemens
annonçait la génération des modules logiques et autres contrôleurs
brisant l’image de l’automatisme complexe.
Depuis, Siemens en est à sa septième génération de « Logo! »,
et bientôt à la huitième qui sortira en avril 2008


Des marchés en développement
« Depuis 3 ans, nos ventes de modules logiques font l’objet d’une progression à 2 chiffres, précise Stéphane Vaujany chez Crouzet. La croissance est effective aussi bien chez les fabricants de machines que chez les installateurs électriciens. » Chez Schneider Electric, le marché historique concerne les petites machines industrielles et non communicantes. « Mais aujourd’hui, c’est le marché du bâtiment qui est en plus forte croissance. Il en va de même pour l’industrie, hors process, par exemple pour la gestion de l’éclairage », signale Alexandre Flory, pour qui l’avenir du contrôleur logique est tourné vers la domotique.
Omron propose ses modules logiques « Zen » aux spécialistes de la petite machine pour des applications de “tertiaire industriel”. Il s’agit d’équipements autour du bâtiment tels que barrières, systèmes de couverture de piscine, mangeoires automatisées dans le monde agricole... « Ce sont des entreprises spécialisées qui réalisent ces machines, explique Gilbert Rozwadower, responsable marketing distribution chez Omron. En revanche, nous ne vendons quasiment rien aux installateurs via la distribution ! »
Chez Siemens, une partie des ventes se fera auprès des fabricants de piscines, de brumisateurs, d’arrosage décentralisé...
« Nous vendons généralement nos nano-automates « Pico » d’AllenBradley (comprenez “contrôleur logique”) aux industriels et aux tableautiers, souligne Marc Royer, directeur commercial vente composants chez Rockwell Automation France. Il arrive que des électriciens, pour réaliser une série de coffrets, découvrent notre offre via les distributeurs pour l’industrie. Cette démarche résulte généralement de marchés imposés. »
Mais ces contrôleurs logiques passent souvent entre les mailles des références fournisseurs et contrats cadres des grands groupes. Ils deviennent alors une sorte de cheval de Troie pour d’autres offreurs...
« Le choix incontournable des automates, ne concerne pas les contrôleurs ou blocs relais programmables, considérés comme des relais, explique Eric Galland, directeur d’Imo Jeambrun Automation. Mais il faut pour cela montrer aux installateurs ou aux intégrateurs, qu’ils ne sont pas imposés pour ce type d’équipements. A nous, ensuite, d’apporter le service qu’ils attendent. » Cette absence d’imposition induit une guerre des prix bien plus tendue...

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