Télécharger le PDF


 Dossier - Avril 2010

 Tableau électrique : prémisses à de grandes évolutions


Eric Bertrand EditoEdito

"Domergie, les nouveaux horizons de la filière électrique"

Les modifications profondes de la conscience environnementale et les effets de la crise économique que nous vivons, nous placent tous dans un contexte de changement radical.
Cette situation est porteuse d’opportunités majeures auxquelles il nous faut proposer des solutions adaptées, imposant à la filière électrique une plus forte cohésion élargie aux autres professions et instances du monde du bâtiment.
Le bâtiment « basse consommation », voire « à énergie positive », la « performance énergétique », la gestion contrôle/régulation énergétique au sens large, le bâtiment communicant, la prise en compte des besoins des personnes dépendantes, le recyclage des produits, les nouvelles sources d’énergie, tous ces besoins, hier considérés comme non prioritaires, sont devenus essentiels et sociétaux. Leur satisfaction fait appel à de nouvelles ressources, méthodes et même visions, impliquant des réponses transverses, faisant naître de nouvelles collaborations entre métiers, fixant de nouveaux horizons.
Ainsi, les relations entre acteurs de la filière électrique et électronique, depuis les opérateurs d’énergie jusqu’aux installateurs, en passant par les bureaux d’étude et tous les circuits de distribution, se renforcent et se redéfinissent, tout en bénéficiant des apports des climaticiens, des opérateurs de la construction mais aussi des opérateurs télécom, des fabricants de matériaux et de bien d’autres encore.
Pour réussir ce grand renouveau dans les offres qui se doivent de respecter les règles techniques basiques de « l’élec », il est nécessaire de renforcer de manière adaptée, le contrôle de la conformité, des produits et systèmes mis sur le marché, aux règlements, normes et ou marques de conformité qui les concernent.
Gageons que les nouvelles offres en cours d’élaboration, fruits d’un mix entre le respect des fondamentaux des métiers de « l’élec », et l’enrichissement croisé avec les métiers concernés du bâtiment, assureront à la fois les réponses adaptées aux nouveaux besoins sociétaux et le développement de nos économies européennes.


Éric Bertrand,  Délégué général de Domergie

Domergie, groupement professionnel affilié à la FIEEC, Fédération des Industries Electriques Electroniques et de Communication, représente et assure l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels et commerciaux des industriels de l’appareillage électrique d’installation et de ses applications domotiques. Les 32 adhérents de Domergie, PMI et groupes à vocation internationale, sont prédominants sur le marché français, avec un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard €, et aussi et surtout leaders sur de nombreux marchés mondiaux.

 


Tableau électrique : prémisses à de grandes évolutions


En France, au royaume du « neutre à gauche », le tableau électrique devrait vivre dans les 10 prochaines années, des changements radicaux induits par l’arrivée du comptage intelligent, la mise en application progressive du « smart grid » et la nécessité d’économiser l’énergie.

 

ABB tableauDans le secteur du résidentiel ou du petit tertiaire, le tableau électrique n’a pratiquement pas évolué depuis 30 ans, lors du passage du fusible au disjoncteur magnétothermique... Certes, le gestionnaire d’énergie a fait son entrée, de même que les contacteurs dédiés aux fonctions domotiques viennent occuper les rails Din. Mais cela concerne une très faible part du marché. On se souvient aussi que la NF C 15-100 version 2002 a multiplié les protections...


Futur proche ?
EATON Stephane EGROS« Le tableau électrique actuel va évoluer, notamment du fait de l’installation en masse dès 2012, de nouveaux compteurs communicants (1) dans le secteur résidentiel capables d’échanger des informations avec les éléments communicants du tableau électrique, explique Stéphane Egros, directeur marketing de Eaton France. L’objectif n’est autre que gérer et économiser l’énergie. Sur ce point, la domotique va quant à elle étendre son rôle : le tableau de protection adoptera de plus en plus de fonctions de communication intégrées. »


ABB Mazel MaximeEt Maxime Mazel, responsable marketing marché résidentiel et tertiaire chez ABB, d’ajouter : « En matière de comptage intelligent dans le tableau, il n’existe actuellement pas de solution pour le secteur résidentiel. C’est une offre qui va émerger d’ici 2012. »
Pour les immeubles tertiaires, des réflexions sont en cours en vue de faire converger dans un tableau électrique les problématiques de comptage de l’eau, du gaz, de l’électricité ou encore de la chaleur.


Comptage : l’influence de la RT2012
Applicable dès 2011 pour les bâtiments tertiaires, la RT2012 induira des obligations en matière de comptage de l’énergie par usage. « Le comptage par usage permettra à l’utilisateur d’agir le plus finement possible sur ces charges consommatrices d’énergie, souligne Maxime Mazel. Pour cela, nous proposons une gamme de compteurs du plus simple au plus évolué. » Tous les modèles disposent aussi d’un port infrarouge qui leur permet de recevoir un module optionnel de communication disponible en plusieurs protocoles (M-Bus, KNX, GPRS, RS232, ...).
LEGRAND Fabienne HERAULT« La mesure commence à prendre place dans les tableaux, avec la possibilité de créer des alertes, explique Fabienne Hérault, responsable marché modulaire, Soho et réseau de communication chez Legrand. En juin 2010, nous lancerons une centrale sur bus dotée d’un écran déporté en finition intégration Céliane. La consommation énergétique sera ainsi accessible partout dans la maison. »


FINDER Batard Jean PaulDans le cadre du comptage, Finder France élargit actuellement sa gamme électromécanique par des modèles électriques digitaux mono ou triphasés qui peuvent être fournis avec ou sans la certification MID (permettant la facturation). « Ces compteurs permettent un report à distance grâce à une sortie d’impulsion, souligne Jean-Paul Batard, gérant de Finder France. Nous entendons ainsi compléter notre offre de minuteries, relais et autres appareils modulaires pour développer ses ventes sur le marché domestique et tertiaire. »


SIEMENS Roger Stephanie« Plutôt à destination des applications tertiaires, nous lançons de nouveaux compteurs communicants d’énergie active et réactive en tableau, jusqu’à 80 A et sans transformateur,» ajoute Stéphanie Roger, chef de produits modulaire, armoire, KNX jusqu’à 630 A, chez Siemens.

 

HAGER Charlier LionelMais existe-t-il aujourd’hui des solutions de comptage intrinsèques aux appareils ? « Non, pas encore. Il existe pour cela des tores ou des compteurs individuels, précise Lionel Charlier, chef de produits protection et enveloppe habitat chez Hager. Demain, il existera des télérupteurs et contacteurs capables de mesurer et de gérer l’énergie. On s’oriente vers une prise en compte dans le tableau, de l’ensemble des énergies du bâtiment. Le tableau électrique reste le mieux placé pour cela ! »


Tableau communicant
L’intérêt du tableau de répartition communicant réside aussi dans sa capacité à déléguer la gestion de certaines charges non critiques. Il s’agit par exemple d’actions de délestage et de relestage pilotées de façon déléguée, par le gestionnaire de réseau. L’ère de la souplesse tarifaire va influencer jusqu’à la conception même du tableau.
Mais tout cela aura un coût en matière d’équipements... Jusqu’où l’installation matérielle (dans le tableau, mais pas seulement) pourra-t-elle suivre ces évolutions à grande échelle ? La réflexion en est au même stade concernant les coûts de communication entre un équipement (tableau, domotique...) et l’utilisateur. Car l’offre des opérateurs de téléphonie pour ce type de communication pourrait encore être optimisée et permettre de démocratiser un peu plus le lien actif entre l’utilisateur et son installation. Le recours aux « box » ADSL, via l’envoi de messages par Internet, constitue une piste à exploiter et il faudra inventer des services ou des options « clé en main » pour qu’un tableau soit capable de communiquer dans un contexte économiquement acceptable par le plus grand nombre d’utilisateurs domestiques.
L’interdifférentiel électronique type A ou type AC de Eaton offre des capacités de communication intéressantes. Par exemple, en cas d’ouverture d’un circuit, d’un défaut ou d’un risque de défaut de celui-ci, l’utilisateur est prévenu par liaison GSM. C’est un premier pas.

 
Rapidement connectés et bien peignés
CrouzetLe peigne vertical commence à faire l’objet d’une généralisation. ABB peaufine l’ergonomie de raccordement en lançant mi-2010 son peigne vertical. Autre nouveauté (plutôt pour le tertiaire) : un peigne horizontal triphasé permettant l’équilibrage grâce à une barre de cuivre étagée. Ses anciennes et nouvelles gammes de disjoncteurs magnétothermiques sont d’ailleurs compatibles avec les peignes horizontaux. D’ailleurs, les disjoncteurs « magnétothermiques » disposent d’une borne de repiquage, pratique pour envisager l’évolution du tableau. Le catalogue compte également un nouvel interrupteur différentiel à connectique rapide.
Au catalogue Hager, la connexion automatique est disponible pour toute l’offre depuis 5 ans, mais sans pour autant supprimer l’offre à vis... « Les tableautiers en atelier vissent encore beaucoup car ils ont les outils qui leur permettent de travailler très rapidement, remarque Lionel Charlier chez Hager. Les artisans nous font remarquer que le câblage traditionnel du tableau reste un plaisir par rapport au fastidieux tirage de câbles ! Enfin, dans le tertiaire, la connexion automatique n’est pas encore entrée dans les habitudes. »
Gewiss va pour sa part lancer en juin 2010 un complément de gamme d’appareillage modulaire à connexion automatique amont/aval pour câblage filaire ou par peigne. Les peignes verticaux seront lancés en septembre 2010.




Réarmement automatique et autotest
Le disjoncteur différentiel Restart de Gewiss est capable de réarmer automatiquement la protection différentielle en cas de défaut intempestif. « Cet appareil de tableau n’est pas autorisé par la norme pour une utilisation dans l’habitat, souligne Philippe Desfeux chez Gewiss. Mais cette même norme autorise son utilisation pour les installations non surveillées. Dans cette limite, on peut supposer que son installation est permise en résidence secondaire... »
Gewiss propose par ailleurs le Restart Autotest type A 30 mA, capable de tester une fois par semaine sa sensibilité et la fonction mécanique, le tout sans coupure ! Plusieurs fabricants travaillent d’ailleurs sur le thème de l’auto-test au niveau du Cenelec. A suivre…


 

 


Appareillage de l’éclairage
AbbLes variateurs de lumière permettent de réduire les dépenses énergétiques et d’augmenter sensiblement la durée de vie des lampes. ABB propose des variateurs de 500 à 3 000 W/VA, capables de s’adapter à tous les types de lampes et de résister aux surcharges et aux courts-circuits. « Un variateur en tableau peut aussi assurer la fonction “télérupteur”. Cela n’est pas assez connu des professionnels, remarque Maxime Mazel chez ABB. De plus, le variateur peut recevoir un module de programmation à monter en lieu et place de la face avant sans modification de l’encombrement de l’appareil. Ce module permet de planifier des plages de fonctionnement à des valeurs d’éclairage différentes. »


BEG Philippe BATLLE« Les horloges numériques ouvrent la voie à d'importantes possibilités de gestion, pour l'éclairage», précise Philippe Batlle, directeur de BEG France. Même constat chez Theben où les solutions analogiques et digitales modulaires sont adaptées au juste besoin.


Richesse de fonctionnalités
Pour les tableaux soumis à vibrations ou appelés à endurer de fortes températures, les disjoncteurs hydro-thermiques permettent d’éviter les déclenchements intempestifs pouvant survenir sur des équipements magnétothermiques classiques. Ces disjoncteurs hydro-thermiques, notamment proposés par Eaton, sont plus couramment employés dans des ambiances industrielles.
GEWISS Philippe DESFEUX« Parmi les relatives nouveautés, il faut noter le contrôle et l’alimentation des PAC. De même que l’intégration domotique filaire sur bus », précise Philippe Desfeux, responsable produits gamme énergie chez Gewiss France.


Certaines fonctions prennent pied, tel le gestionnaire d’énergie : « Aujourd’hui, les demandes de gestionnaire de chauffage sont focalisées sur des appareils 2 ou 3 zones, même pour des logements économiques. Les modèles 1 zone sont réservés aux petits appartements », souligne Fabienne Herault chez Legrand.
Et les délesteurs ? « La fonction seule n’a pas vraiment de succès. En général, les électriciens n’y pensent pas. L’avenir est à l’intégration avec d’autres fonctions. »
Chez Siemens, on remarque une tendance à l’utilisation d’interrupteurs différentiels de type A face au type AC. Pour les applications dans le grand tertiaire et dans l’industrie, il existe aussi le type B, sensible à tous courants de fuite quels qu’ils soient (Siquence type B chez Siemens). Concernant la protection des installations photovoltaïques intégrées aux bâtiments, Siemens a organisé son offre sous la gamme Beta Protect, avec interrupteurs-sectionneurs, parasurtenseurs AC, parasurtenseurs DC, interrupteurs différentiels de type B.
Chez Gewiss, le type A ne représente encore que 40 % des ventes face au type AC : les habitudes des installateurs sont bien ancrées.


Modules logiques : enfin une place dans le tableau ?
CROUZET Pugniere Pierre YvesLe module logique était à l’origine promis à un avenir certain dans le tableau électrique... Mais les électriciens en ont décidé autrement. Trop compliqué à mettre en œuvre ? Pas vraiment, car il ne s’agit pas de programmer des fonctions, mais bien de câbler virtuellement des blocs logiques fonctionnels. Son atout principal : disposer d’un composant modulaire capable de s’adapter à de nombreuses situations : rôle de télérupteur, allumage/extinction d’éclairage, pilotage d’installations de chauffage, délestage... Certains électriciens créatifs ont bien compris les atouts du produit et peuvent apporter à leur client (dans le résidentiel et dans le tertiaire) des solutions adaptées avec un produit standard disponible à partir de 100 € ! Bien que ces petites merveilles d’automatisme soient disponibles chez les distributeurs, les fabricants ont préféré s’activer sur le marché des constructeurs de machines et intégrateurs, potentiellement consommateurs de gros volumes d’appareils. Mais qu’en est-il aujourd’hui du rapport de l’électricien aux modules logiques ? « Aujourd’hui, les installateurs sont équipés d’ordinateur. De plus, notre offre Millenium s’est étoffée aussi bien en matière d’unités centrales, que d’accessoires et capteurs, souligne Pierre-Yves Pugnière, responsable des ventes électronique et automatisme pour la France chez Crouzet. En 2009, nous avons vendu environ 10 000 unités centrales via la distribution électrique, et la croissance des ventes est régulière à hauteur d’environ 30 % par an, hormis un “coup de frein” accusé en 2009. Nous vendons aussi des modules logiques aux intégrateurs, pour équiper leurs PAC, ce qui ne passe pas inaperçu aux yeux des installateurs. »


Place à la domotique
Le tableau est aussi le lieu des modules centralisés de gestion technique et de domotique. Par exemple, les commutateurs de volets électriques ou encore les variateurs dédiés à l’éclairage trouvent leur place sur le rail Din. « Pour le tertiaire, ces équipements de commutation sous KNX et de variation sous Dali commencent à rencontrer du succès, » remarque Stéphanie Roger, chef de produits modulaires, armoires et KNX jusqu’à 630 A chez Siemens.


THEBEN LEROY Thierry« L’approche “domotique” induit le placement d’actionneurs et de connecteurs dans le tableau, confirme Thierry Leroy, responsable marketing de Theben. De plus, il convient d’y ajouter les protections de ces modules. Quant aux interfaces, elles sortent du tableau pour être accessibles dans les pièces de vie. »
Mais certaines fonctions peuvent aussi sortir du tableau pour se loger derrière un interrupteur tel que le variateur ou la minuterie : « C’est surtout pratique en rénovation pour éviter le tirage de câbles et les modifications dans un tableau parfois très chargé », ajoute Thierry Leroy.


Optimisation de l’encombrement
Les appareils modulaires gagnent en compacité. ABB propose des interrupteurs, boutons-poussoirs et voyants modulaires en 1/2 module. D’où un gain de place de 50 % dans le tableau, voire plus avec des versions combinant interrupteur et voyant en 1/2 module.
La réduction de l’encombrement présente notamment un intérêt en rénovation : « Les équipements initialement de 4 modules, tel qu’un disjoncteur 4 pôles tétrapolaire, occupent aujourd’hui 2 modules, ajoute Philippe Desfeux chez Gewiss, alors que le bipolaire passe de 2 à 1 module. »
Malgré ces efforts, l’inflation du nombre de modules implique des enveloppes toujours plus grandes. Legrand prévoit qu’un appartement T3 de 60 m2 mettant en œuvre sa nouvelle solution de domotique haut de gamme MyHome, nécessitera l’installation d’un tableau 4 rangées de 18 modules... !


Michel Laurent

(1) dont la gamme de produits Moeller Electric.

Copyright 2013 - Magazine des professionnels de la Filière Électrique - Électro magazine