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 Solution technique - Août-Septembre 2019

Lumière bleue des LED


La lumière bleue des LED constitue-t-elle un danger ? L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a publié deux rapports1/2 sur les effets des LED sur notre santé. Le premier (octobre 2010) s’intitulait Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED) et le second (avril 2019), Effets sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED). On notera au passage, la disparition du mot « éclairage » dans le rapport de 2019. Alors, danger ou principe de précaution ?



SL110 Andrew BerezovskiyLes LED fonctionnent suivant le principe de l’électroluminescence : la lumière est émise à la suite du passage d’un courant électrique, produisant un déficit d’électron dans une zone et un excédent dans une autre : à la jonction entre les deux matériaux, les « trous » d’électrons se recombinent avec les électrons et génèrent un photon.
Les LED utilisées en éclairage fournissent une couleur métamère de celle du jour ou d’une lampe à incandescence, c’est-à-dire qui a la même apparence, mais avec un spectre différent. La lumière bleue est une partie du spectre de la lumière, dont les longueurs d’onde se situent entre 380 et 500 nanomètres. Elle est émise par le soleil, mais aussi par les sources LED et écrans (tablettes, télévisions, ordinateurs, smartphones).
Depuis une quinzaine d’années, les LED ont évolué à la vitesse grand V, en particulier en matière d’efficacité, ce qui a permis d’en faire des sources d’éclairage performantes, peu énergivores et durables. Sébastien Point, ingénieur en optique, docteur en physique et licencié en psychologie clinique et psychopathologies, souligne cependant que « le spectre des LED blanches à luminophore est caractérisé par une forte proportion d’émissions dans le bleu, variable bien entendu suivant la température de couleur, et l’on sait depuis les années 1970 qu’une forte luminance dominée par des rayonnements lumineux de courte longueur d’onde peut entraîner une surexposition de la rétine et l’apparition consécutive de photorétinite par des mécanismes photochimiques qui sont encore mal compris, mais font en particulier intervenir des espèces réactives de l’oxygène3. Pour l’observateur, la surexposition se caractérise par l’apparition d’une tâche aveugle dans la zone de la fovea, où la perte de sensibilité peut être permanente ».
Ne crions pas au loup, il existe des normes4/5, en particulier la NF EN 62471 sur la sécurité photobiologique des lampes qui propose une classification des LED en fonction de leur danger photobiologique pour l’œil et définit quatre groupes de risques :
– le groupe 0 ne présentant pas de risque photobiologique ;
– le groupe 1 ne présentant aucun risque photobiologique dans des conditions normales d’utilisation ;
– le groupe 2 ne présentant pas de risque lié à la réponse d’aversion pour les sources très brillantes ou en raison de l’inconfort thermique ;
– le groupe 3 présentant un risque potentiel, même pour une exposition courte ou momentanée.

Le rapport de l’Anses de 2010
Au début du déploiement de la technologie LED, la première expertise de l’Anses soulignait la toxicité pour la rétine de la lumière bleue présente dans les éclairages à LED et recommandait donc d’adapter le cadre réglementaire et normatif.
L’Agence soulignait que les diodes mises sur le marché à des fins d’éclairage sont principalement caractérisées par la grande proportion de bleu dans la lumière blanche émise et par leur très forte luminance (« intensité lumineuse »). Les enjeux les plus préoccupants identifiés par l’Agence concernaient l’œil : effet toxique de la lumière bleue et risque d’éblouissement. La lumière bleue nécessaire pour obtenir des LED blanches conduit à un stress toxique pour la rétine. Ces nouveaux éclairages, alertait l’Anses, peuvent conduire à des « intensités de lumière » jusqu’à 1 000 fois plus élevées que celles des éclairages classiques, générant ainsi un risque d’éblouissement. Leur éclairage très directif, ainsi que la qualité de la lumière émise, peuvent par ailleurs être source d’inconfort visuel.
L’Agence recommandait que seules les LED appartenant à des groupes de risques similaires à ceux des éclairages traditionnels soient accessibles au grand public, les éclairages les plus à risque devant être réservés à des utilisations professionnelles dans des conditions permettant de garantir la sécurité des travailleurs.
Par ailleurs, l’Agence soulignait la nécessité de diminuer les intensités lumineuses perçues, afin de limiter les risques d’éblouissement et recommandait également d’éviter l’utilisation de sources de lumière riches en couleur bleue dans les lieux fréquentés par les enfants.

Le rapport d’avril 2019
En 2019, la nouvelle expertise de l’Anses conforte le résultat de 2010 sur « la toxicité de la lumière bleue pour l’œil qui peut conduire à une baisse de la vue ». Elle met en avant, à court terme, des effets sur la rétine, liés à une exposition intense à la lumière bleue et, à long terme, une contribution à la survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge. L’Anses recommande de restreindre la mise sur le marché des « dispositifs à LED trop riches en bleu en adaptant les réglementations spécifiques des autres dispositifs que les lampes et luminaires ». On note que l’Agence ne parle plus de systèmes d’éclairage, mais de « dispositifs à LED ». Par ailleurs, elle met en évidence des effets de perturbation des rythmes biologiques et du sommeil, liés à une exposition à la lumière bleue, même très faible, en soirée ou la nuit « notamment via les écrans ».
Selon Sébatien Point, « compte tenu des différences biométriques entre l’œil du rat et l’œil de l’homme, un éclairement de niveau domestique (par exemple 500 lux) crée des éclairements rétiniens potentiellement bien plus élevés chez le rat que chez l’homme, et on ne peut considérer que ces niveaux de luminosité produisent des faibles doses chez le rat. On peut d’ailleurs lire dans le rapport de l’Anses que, « en raison du manque de données sur les effets chroniques d’une exposition à la lumière froide à faibles doses (écrans, par exemple), le niveau de risque associé à une exposition chronique à des LED riches en bleu ne peut être évalué à ce jour ».
En conclusion, Sébastien Point souligne que, « en l’état actuel des connaissances, la recommandation de limiter la valeur limite d’exposition en lumière bleue pour l’éclairage général apparaît infondée d’un point de vue scientifique » et regrette que « le rapport Effets sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED), publié en mai 2019 par l’Anses, donne à penser le contraire ».

Isabelle Arnaud

1 – Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED), Avis de l’Anses, Rapport d’expertise collective, édition scientifique (octobre 2010). www.anses.fr/fr/content/led-diodes-electroluminescentes.
2 – Effets sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED), édition scientifique, avril 2019, Anses.
3 – J. P. Césarini, Risques oculaires du rayonnement bleu. Radioprotection.
4 – IEC 62471. 2006. Photobiological safety of lamps and lamp systems.
5 – IEC TR 62778.2014. Application of IEC 62471 for the assessment of blue light hazard to light sources and luminaires.

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