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 Solution technique - Mai 2017

N°92 - Autoconsommation : le futur du photovoltaïque


Les électriciens ont tout intérêt à s’intéresser à l’autoconsommation, car ce mode de production/consommation pourrait bien influencer la conception même des installations électriques, de même que les solutions de gestion et de régulation des équipements et autres charges électriques. N’oublions pas que d’autres technologies de production locale d’électricité commence à arriver sur le marché, telle la pile à combustible dont le premier modèle domestique arrive actuellement sur le marché.


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Le phénomène a déjà démarré en Allemagne depuis plusieurs années et commence à devenir réalité en France. Le coup d’envoi n’est autre que l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité. Elle introduit pour la première fois la notion d’autoconsommation dans un texte officiel. Il faut donc s’attendre, à moyen terme, à des retombées importantes en matière de production, de vente, d’achat et de consommation l’énergie. En bref, cela poussera à changer nombre d’habitudes. Cette ordonnance a fait l’objet de nouveaux textes au sein du Code de l’énergie (voir encadré). L’ouverture à l’autoconsommation collective devrait permettre d’échanger localement l’énergie produite sur une même antenne basse tension jusqu’à une puissance de 100 kVA. Des précisions sont attendues.

Pourquoi autoconsommer ?
Plus la puissance crête produite est faible, plus le coût du kWh disponible reste élevé, rapporté à l’amortissement de l’installation photovoltaïque. De là, découle le fait d’atteindre ou non la parité réseau, c’est-à-dire de bénéficier d’une électricité à tarif équivalent, voire inférieur à l’électricité issue du réseau public.
Ensuite, il y a les besoins. En effet, autoconsommer signifie que les courbes de production et de consommation se superposent le plus longtemps possible au court de la journée. Mais l’ensoleillement étant incontrôlable, il faut pouvoir gérer au mieux les charges pouvant l’être. Une des clés de l’autoconsommation consiste à se préoccuper de ce qui se passe sous le toit, avant même de parler de l’installation en toiture. Cela nécessite l’écoute du client, la proposition de solutions adaptées à son mode de consommation, mais aussi pourquoi pas le fait de suggérer une autre façon de consommer l’électricité, avec un éventuel stockage tampon. Le stockage sur batterie Lithium-Ion reste encore à ce jour une option coûteuse. Mais le prix du kWh stocké ne cesse de diminuer.
En France, dans un rapport datant de 2015, l’Adème évoquait 1500 installations photovoltaïques utilisées en autoconsommation. À ce chiffre, il faudrait ajouter plus de 3500 installations non déclarées à ce jour. L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet impose la déclaration de toute installation d’autoconsommation nouvelle avant sa mise en service. Les installations existantes devront, quant à elles, être déclarées avant le 31 mars 2017.
Selon une enquête nationale Enerplan sur les rapports qu’entretient le grand public avec les installations photovoltaïques : 69 % des personnes interrogées déclarent « souhaiter équiper leur logement (…) pour alimenter leur propre consommation ».

Parité réseau atteinte !
C’est effectif, les installations photovoltaïques de taille conséquente ont atteint et même légèrement dépassé le seuil de la parité réseau ! En d’autres termes, dans certaines conditions, il devient à présent plus intéressant de consommer de l’électricité d’origine photovoltaïque produite localement que d’acheter cette énergie au tarif du réseau. Cette parité effectivement dans la partie méridionale de l’Hexagone, tend à se propager progressivement vers le Nord...
À titre de comparaison, en Allemagne, la parité réseau a été atteinte en 2012 (malgré une densité d’ensoleillement plus faible), dans le contexte d’un prix réseau moyen de 30 cts/kWh pour les branchements domestiques.

Vente ou autoconsommation : il faudra choisir
Pour les installations inférieures à 100 kWc, un nouvel arrêté tarifaire à paraître très prochainement, se substituera à celui du 4 mars 2011. Cette révision devrait notamment introduire un ré-étalonnage de la grille de dégressivité ; la suppression progressive des critères d’intégration au bâti (une intégration entraînerait cependant un bonus du tarif d’achat) et la possibilité d’équiper les toitures plates ; l’introduction progressive d’une « écoconditionnalité » ; la redéfinition des règles qui déterminent les contours d’une installation.... Par ailleurs, l’introduction d’une clause selon laquelle le producteur d’électricité photovoltaïque s’engage à vendre la totalité de sa production ou le surplus de production, et de s’y tenir dans le temps, pourrait inciter dès lors à opter pour un contrat de vente de surplus... au regard de l’évolution des prix de l’énergie dans les années à venir. Car le coût de l’énergie produite sur place tend à baisser, tandis que le prix de l’énergie vendue sur le réseau augmente.

Autoconsommation façon « RT2012 »
En constituant une réponse toute faite à la RT2012, les installations microphotovoltaïques destinées à l’autoconsommation de l’électricité servent principalement le marché de la maison individuelle neuve. Cette solution répond à l’obligation de consommer un minimum de 5 kWh/m²/an d’énergie renouvelable. Elle permet aussi de comptabiliser l’apport des énergies renouvelables jusqu’à 12 kWh/m²/an. L’avantage ? Compenser par exemple la perte de quelques points sur le Cep liée, par exemple, à la sortie de la chaudière du volume chauffé ou encore en disposant un ballon de stockage d’eau chaude sanitaire. Au niveau du moteur de calcul de la RT2012, le microphotovoltaïque complète bien les chaudières gaz naturel à condensation ou même les PAC double service.

Autoconsommation en entreprise : plus rentable que dans l’habitat
À l’inverse du secteur domestique, où le soleil frappe au moment où la maison est vide de ses occupants, l’entreprise bénéficie de la production de l’électricité photovoltaïque en journée, au moment où les entreprises sont en pleine activité. Voilà pourquoi les sociétés implantées dans les zones les plus ensoleillées, disposant d’une toiture bien orientée et consommant de façon constante une part importante d’électricité, commencent à investir dans le photovoltaïque pour des besoins d’autoconsommation. Supermarchés et centre commerciaux sont dans ce cas. Les électro-intensifs (entreprises fortement consommatrices d’électricité), ont là un levier leur permettant d’engager la transition énergétique.

 


Définition de l’autoconsommation… selon le Code de l’énergie
Article L315-1 : « Une opération d’autoconsommation individuelle est le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation. La part de l’électricité produite qui est consommée l’est soit instantanément, soit après une période de stockage. »
Article L315-2 : « L’opération d’autoconsommation est collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension. »
Voir également les articles L315-3 à L315-8.




Autoconsommation « locale »
L’ordonnance publiée le 28 juillet 2016 autorise à faire transiter jusqu’à 100 kVA sur une antenne basse tension du réseau public dans le but de valoriser localement un surplus de production. Le fait d’emprunter cette portion de réseau sera soumis à un tarif d’utilisation des réseaux publics (Turpe) spécifique. Si le montant de ce « micro-Turpe » n’est pas encore connu à ce jour, il est évident qu’il conditionnera l’intérêt ou non de faire transiter l’énergie vers un consommateur autre que le producteur. Idéalement, ce tarif pourrait être inférieur à 1 cts/kWh, afin que le coût total de l’électricité (dont la part revenant au producteur) soit compétitif. Verdict mi-2017 avec la publication des tarifs Turpe 5.

Michel Laurent

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