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Dossier - Août-Septembre 2010

 Thermographie infrarouge : une lecture précieuse pour l’électricien


Outil attrayant et presque devenu ludique, la caméra de thermographie infrarouge est aujourd’hui à la portée de toutes les entreprises du bâtiment. L’électricien trouve en elle un allié qui l’accompagne dans toutes ses missions. Mais pour tirer profit de la thermographie, il convient avant même de faire le bon choix, d’acquérir un minimum de connaissances et de bon sens physique.

 

Tout d’abord une mise au point. En anglais, « appareil photos » se traduit par « camera ». Se n’est donc pas un hasard si en français, l’outil thermographique est appelé « caméra », alors qu’il est uniquement capable de prendre des clichés dans le spectre infrarouge. Pur anglicisme. Certes, il existe de véritables caméras thermographiques, capables de filmer l’évolution dynamique d’un phénomène thermique. Mais ces dernières sont réservées aux travaux de recherches. Cette précision étant donnée, toute évocation de « caméra » dans cet article fera référence à la prise de photos thermographiques.

 

Élargissement du marché
Chauvin ArnouxAujourd’hui, la thermographie infrarouge n’est plus réservée aux experts. Pourtant, en faisant appel à de nombreuses notions de physique, d’optique, de thermique et de métrologie, cette discipline reste pour une large partie l’affaire de professionnels avertis, qui auront pris le soin de suivre un minimum de formation (même quelques heures), avant de se lancer sur les chantiers, appareil au point.
Depuis quelques années, la baisse des prix a placé la thermographie infrarouge à la portée des entreprises des électriciens, voire des artisans, au travers de produits plus simples à utiliser. Bien qu’ils utilisent des outils plus perfectionnés, les bureaux de contrôle, experts du diagnostic thermographiques et sociétés spécialisées ne sont plus les seuls à manipuler les thermogrammes. Aujourd’hui, un professionnel peut acquérir une caméra à partir de 2 000 € HT.
Il n’existe pas, à proprement parlé, de caméras dédiées aux électriciens, mais plutôt des outils plus ou moins précis. C’est pourquoi un appareil, utilisé par un électricien pour une visée sur des installations électriques, pourra servir à bien d’autres missions où le phénomène thermique peut révéler, une malfaçon, une dégradation ou à l’inverse valider une mission. Seule l’imagination de chacun (bordée de bon sens physique !) limite le recours à la thermographie. Le développement de la notion de bouquets de travaux ne fait qu’élargir l’utilisation d’un outil relativement universel.  

 


Quelques… conseils d’utilisation

 

  • Toujours effectuer une visée perpendiculairement à la surface cible ;
  • Ne jamais viser le soleil ;
  • Attendre la stabilité en température (chaud ou froid) de la caméra avant utilisation ;
  • Éviter de travailler à proximité de champs électromagnétiques intenses

 


 

 

Quelles caractéristiques ?
Flir SystemLes caméras utilisées par les électriciens et plus largement dans le secteur du bâtiment, pour la plupart IP44 ou IP54, sont protégées contre les agressions du chantier et les chutes. Une caméra Fluke résistant par exemple à une chute de 2 m de hauteur. Elles sont légères, tiennent bien en main. Voyons quelles sont les caractéristiques importantes d’une caméra.

  • Taille de la matrice sensible ou capteur : la matrice, composée de pixels, est impactée par le rayonnement infrarouge traversant l’optique. Les caméras d’entrée de gamme disposent d’une matrice de 47 x 47 à 120 x 160 pixels. Marie Courrière, chef de produits chez Chauvin Arnoux, conseille par exemple aux électriciens un minimum de 120 x 160 pixels. Même avis de la part de Mathieu Villebrun, responsable support produits chez Fluke ;
  • Optique : elle est composée de lentilles traitées spécialement pour le spectre infrarouge. C’est ce qui explique en partie le coût d’une caméra. Principale caractéristique : la distance focale, par exemple 20° x 15°. Le capteur étant rectangulaire, le premier chiffre concerne l’ouverture horizontale et le second l’ouverture verticale. Viser avec du recul un composant électrique dans une armoire ou la totalité de la façade d’un bâtiment sans prendre de recul, nécessite évidemment une distance focale adaptée. « Mais il faut se rappeler qu’un objectif grand angle dégrade la résolution de la caméra ! », souligne Dominique Clerc, conseiller technique chez Lumasense Technologies. Le choix est-il figé à l’achat ? Oui, pour certaines caméras dotées d’un objectif fixe « passe-partout » (20°). Mais pouvoir changer d’objectif est un atout supplémentaire, si l’opérateur souhaite élargir son champ d’activités. Pour cela, des compléments optiques peuvent, sur certaines caméras, se fixer par dessus l’optique d’origine. Enfin, il existe des appareils à objectifs interchangeables... Et Didier Weissgerber, technico-commercial chez Trotec d’ajouter : « Le choix d’une mise au point manuelle de la netteté permet de gagner en précision. »
  • Résolution spatiale (IFOV) : elle résulte de la combinaison des caractéristiques du capteur et de la distance focale de l’objectif, le nombre de pixels permet de calculer la résolution spatiale de la caméra, c’est-à-dire la dimension la plus petite, vue par un pixel. Par exemple, une caméra dotée d’une résolution spatiale de 2,2 mrad (milliradian) permettra de distinguer un détail de 2,2 mm de coté à 1 m de distance. Pour la même résolution, mais à 50 cm de distance, le détail visible sera de 1,1 mm. Ainsi, plus le détail visé est petit, plus la résolution spatiale devra être basse.
    Au-delà de ces considérations théoriques, dans la pratique il est habituellement reconnu par les fabricants qu’une mesure est correcte pour un objet faisant la taille de 3 IFOV. Par exemple, un IFOV de 1 mrad permettra de mesurer assurément la température d’un objet de 3 mm (à 1 m). Ce coefficient évite tout chevauchement partiel entre le pixel et la surface à mesurer, ce qui donnerait une moyenne de température (de l’objet et de son environnement) non représentative de la réelle température de surface de l’objet.    
  • La résolution thermique (appelée aussi la sensibilité ou le NETD - Noise Equivalent Temperature Difference) traduit la plus petite différence de température perceptible entre 2 pixels. Les caméras d’entrée de gamme offrent une sensibilité de 0,1 à 0,3 °C. Une bonne résolution thermique permet notamment d’effectuer des missions de thermique du bâtiment malgré de faibles écarts de température intérieur/extérieur. « Aujourd’hui, même en entrée de gamme, il est possible d’avoir une bonne résolution thermique de 0,05 à 0,08 °C », précise Christophe Heil, responsable du développement des marchés chez Testo.
  • Plage de température : une caméra est conçue pour une utilisation sur une plage de température définie. Pour les applications classiques dans le bâtiment, une plage de - 20 à + 100 °C, voire + 250 °C suffit largement. D’ailleurs, du point de vue électrique, une température de 100 ou même 80 °C ne peut être que suspicieuse ;
  • Fréquence de rafraîchissement de la trame : cette caractéristique indique la fréquence de renouvellement de l’image vue par la caméra, à l’écran. Les caméras sur le marché intègrent des fréquences de 9, 33 ou 50 Hz. Malgré une influence sur la netteté et le bruit, pour une prise de vue statique, il n’y a pas véritablement d’incidence de ce paramètre. Certaines caméras sont limitées à 9 Hz, notamment pour des raisons administratives d’exportation de matériels hors des États-Unis...
  • Émissivité (ε) : ce paramètre, dont la valeur évolue entre 0 et 1, est propre à la surface de la cible visée. Les tables d’émissivité des principaux matériaux sont bien connues. De ce paramètre dépend la précision des mesures effectuées. Pour les besoins d’une intervention immédiate et ponctuelle, le réglage de l’émissivité sur l’appareil semble évident (lorsque cela est possible). En revanche, pour une campagne de mesures, la correction pourra être appliquée a posteriori avec l’outil logiciel.
  • Autonomie : les caméras disposent en général d’une autonomie de 3 à 5 heures. Il est bon toutefois de prévoir l’achat (si elle n’est pas fournie) d’une seconde batterie. Ce qui permet de travailler intensivement toute une journée sans se soucier de l’autonomie.

Fluke


CNPP Approval
La mention « CNPP Approval » portée sur une caméra de thermographie infrarouge indique que ses performances ont été validées par le CNPP, notamment du fait qu’il n’existe pas de processus de certification correspondant. CNPP Approval valide l’aptitude à faire des mesures d’un niveau de qualité adéquat avec son objet, c’est-à-dire le contrôle des installations électriques (dans l’industrie).
À compter de la 3e année de mise en service de la caméra, celle-ci doit faire l’objet d’une vérification annuelle de ses performances par rapport à l’évaluation initiale. Cette attestation de vérification périodique permet l’utilisation de la caméra pour des mesures effectuées en conformité avec les exigences du document technique Apsad D19.
Au 30 juin 2010, 43 caméras de thermographie infrarouge disposaient de la mention CNPP Approval (liste disponible sur le site www.cnpp.com)


 

 

L’outil à tout faire
Lumasense TechnologieTout faire ne veut pas dire faire n’importe quoi. Cependant, en laissant de coté les notions de métrologie, la caméra dédiée au bâtiment constitue un outil multifonctions doté d’un atout : l’image. En effet, les caméras compactes, maniables et faciles d’emploi capturent des images thermiques qui mettent en évidence un pont thermique, l’absence d’isolant, une fuite d’air sur une menuiserie, la présence d’humidité, un défaut dans une dalle chauffante, une anomalie électrique... De quoi gagner du temps lors des échanges entre professionnels ou avec des clients en étant certain de bien se faire comprendre.

 

Mixage entre image thermique et réelle
Nombreuses sont les caméras qui aujourd’hui permettent de prendre une photographie à la fois dans le spectre IR et dans le spectre visible, via un appareil photo greffé sur la caméra. De quoi mieux comprendre le thermogramme et faciliter la mise en forme du rapport.
Chez Chauvin Arnoux, le « Mix-vision » permet lors de l’analyse de l’image sur ordinateur de faire apparaître de 0 à 100 % l’image IR dans l’image réelle. L’erreur de parallaxe (défaut lié au fait que les 2 prises de vue sont effectuées par 2 objectifs différents, donc à des positions différentes) est corrigée dans la caméra.
Fluke propose le concept « IR-Fusion » qui, selon un principe identique, permet d’incorporer l’image infrarouge dans l’image visible. Le modèle Ti9, sans IR-Fusion d’origine (contrairement au modèle Ti10), pourra toutefois être mise, à niveau par retour en usine.
Sur les caméras Trotec, le concept « DuoVision » marie lui aussi, au gré des besoins, images infrarouges et réelles. 


Toujours plus d’informations
TestoLes fonctionnalités aujourd’hui greffées sur les caméras facilitent la lecture et le dépouillement : qu’il s’agisse de la prise de vue de l’image réelle simultanément avec incrustation de thermogramme, de l’enregistrement de commentaires audio (micro intégré sur la caméra ou oreillette Bluetooth)... Apparaissent également chez Fluke des appareils de mesure de paramètres électriques d’une même marque capable par liaison radio de rapatrier vers la caméra les mesures effectuées et de les incorporer à l’image radiométrique.

 

Parmi les fonctions spéciales
Il existe des caméras dotées d’un capteur d’hygrométrie intégré, pour calculer plus facilement le point de rosée. Mais cela remplace-t-il vraiment l’utilisation d’un thermo-hygromètre autonome ou d’un capteur d’humidité dans les parois ?
Coté logiciels, certains d’entre eux procèdent à la jonction d’images multiples en conservant les possibilités offertes par les fichiers radiométriques. Astucieux !
Concernant le stockage des données, les standards de l’électronique grand public sont de mise : dans la plupart des cas, les données sont sauvegardées sur une mémoire amovible. Ce qui permet à plusieurs personnes d’utiliser la même caméra sans écraser les données de son collègue.
La plupart des caméras sont vendues avec un logiciel d’exploitation des données et de mise en forme des rapports de base. À cela, s’ajoutent en option des outils logiciels plus performants qu’il convient peut-être de prévoir dans son budget. De la même façon, il est nécessaire de prévoir un budget pour une formation adaptée à sa caméra et à son activité.

Tableau fabricants

 

Images « propriétaires »
TrotecPeut-être est-ce là le témoin d’un manque de maturité du marché : il n’existe pas encore de format standard d’image radiométrique. Rappelons qu’une image radiométrique permet d’obtenir avec précision la valeur de température de chaque pixel de la matrice et de faire varier seule l’alerte ou de mettre en évidence certains points caractéristiques.
Actuellement, seul un logiciel fourni par le fabricant (gratuitement avec la caméra ou vendus pour les plus élaborés d’entres eux) permet d’analyser les images radiométriques prises avec une caméra de la même marque. Certes, il est toujours possible de convertir les fichiers en images de format JPG. Mais à ce stade, l’image est dégradée. Il n’est plus possible de déterminer avec autant de précisions les niveaux et différences de température. Il faut le savoir.
Sans déroger à ce constat, Fluke propose toutefois depuis 2006 un format « JPG radiométrique » pouvant être lu en JPG (mais sans accéder aux caractéristiques radiométriques) ou par le logiciel adéquat pour travailler sur les points caractéristiques de l’image.
Enfin, rappelons qu’avant de procéder à un achat ferme, il est toujours possible de se procurer une caméra chez un loueur pour une centaine d’euros par jour. Mais vous devrez vous-même en assurer la prise en main, faute d’une formation, même très courte.

Michel Laurent

Site internet des fabricants cités dans le tableau

Chauvin Arnoux
Flir Systems
Fluke
Lumasense Technologies
Testo
Trotec

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